J’adore la bande dessinée.
Quand je parle de bande dessinée, je pense principalement à la BD « européenne » (pas manga ni comics). Avec Mauvaise Mère, on s’est bien trouvé puisqu’à nous deux, on doit comptabiliser près de 350 albums (et je compte les intégrales comme un album). Ca va des classiques (Astérix, Gaston) à des titres plus improbables (Monsieur Noir est particulièrement étrange).
S’il y a une série que j’affectionne tout particulièrement, c’est la série des « Valérian et Laureline« . En très rapide, C’est l’histoire de deux agents spatio-temporels du 28e siècle dont la mission est de préserver l’ordre terrien dans l’univers (tout un programme). L’histoire comporte 22 albums et est terminée (plus d’angoisse du cliffhanger sans date pour l’album suivant) après 40 ans de bons et loyaux services (et oui !). J’aime beaucoup cette série, principalement parce qu’elle développe un thème que j’affectionne : les voyages dans le temps et les paradoxes qu’ils engendrent. Et là, je ne suis pas déçu. C’est un festival.
Là où la série ne manque pas d’intérêt, c’est qu’elle développe une satire sociale de manière très discrète car si elle est présente, elle ne prend jamais le pas sur l’intrigue des BD, ce qui est appréciable à mes yeux. Dès le début en 1967, ils ont mis sur un pied d’égalité Valérian et Laureline. Cette dernière, loin d’être un faire valoir pour « l’homme », est une forte tête qui, si elle est amoureuse de Valérian, ne lui est pas du tout soumis (mais alors pas du tout, du tout). Sexisme, la Guerre, l’Ecologie, Dieu… Tout y passe sans que l’on ai l’impression de lire le supplément BD de Charlie Hebdo.
La parentalité est abordée dans le tome 8 de la série (Les Héros de l’Equinoxe – 1978) de manière fortuite. Valérian se retrouve embarquer dans un drôle de concours dont l’enjeu est la survie de la planète Simlane qui manque cruellement d’enfants (ça change que ce soit l’homme qui soit réduit à sa fonction de reproducteur, non ?). Avec lui, trois autres héros « un peu » caricaturaux sont embarqués dans l’aventure et c’est sur ces 4 personnages que j’aimerais m’arrêter. A un moment de l’histoire, il est demandé aux 4 héros de dire comment il voyait l’avenir de leur progéniture.
Tout d’abord, Irmgaal de Kraan, charmant belliciste, déclare que « La Chair de ma Chair fera de cette planète rongée par le déclin de ses valeurs ancestrales un phare de l’univers… »
Avec ses soldats au pas de l’oie, huilés comme des gladiateurs grecs, je pense que vous voyez de quoi ce personnage est la caricature. Je ne sais pas pour vous, mais je trouve qu’il présente énormément d’ambitions pour ses enfants (un brin perfectionniste ou élitiste peut être ?). La question n’est pas s’il doit faire allemand en première langue mais de comment faire pour « inculquer » de quoi devenir un phare de l’univers.
Ensuite vient Ortzog de Bourgnouf, gloire des Kolkhozes qui annonce, tout de go : » Si je suis le Géniteur de la prochaine tranche d’âge […] des parcs médico-éducatifs pour les névrosés éventuels, statistiquement improbables d’ailleurs. C’est avec la fierté du devoir accompli et de l’ordre social absolu que Simlane pourra…«
Un peu normatif comme garçon, non ? C’est vrai qu’on aime bien avoir des enfants normaux. Mais le risque est aussi d’avoir des enfants normés, ce qui peut leur poser des problèmes dans leur épanouissement si on les met dans des cases pour lesquels ils ne sont pas exactement fait. Je pense par exemple aux questions de douance (acrobatique) où on un peu de mal à sentir sa place quand on ne pense pas comme les autres.
Je dois avouer que Blimflim de Malamum est mon préféré. Pas de discours guerriers ni de grands principes sociétaux, Blimflim propose un mode de vie simple. « Issus de ma semence pour accoucher sans violence un monde d’harmonie mes enfants […] ramèneront Simlane à une modestie qu’elle a eu tort d’oublier… »
Un retour à la nature, fait de joies simples du sol nourricier, de frugalité, d’oubli du monde et sous la surveillance bienveillante d’ascètes éclairés. Pour ceux qui me lisent depuis quelques temps, je pense que vous connaissez mon point de vue sur ce retour à la nature (pour les séances de rattrapage, c’est ici et là). Si c’est naturel, c’est forcément bon. Si ça ne l’est pas, c’est forcément mauvais. Bien sûr, le trait est forcé pour le bien de la caricature, mais quand on lit certains textes sur le maternage proximal ou le dénatalisme, je trouve qu’on retrouve cette soumission à la nature un peu stupide (désolé, mais ca n’est que mon opinion) oubliant que nous ne pouvons pas être réduit à nos simples cycles biologiques.
Et puis vient Valérian. Ah… Valérian… Comparé aux trois pieds nickelés, Il fait anti-héros à mort. Il n’est pas body-buildé, il n’est pas particulièrement intelligent, il n’a pas particulièrement le culte de la gagne et vu comment il se fait bananer par sa gonzesse, on peut même se demander si c’est un vrai mec (ironie inside of course).
Un peu à l’ouest, il répond « Comme ça… à froid… Je ne vois pas très bien… Et puis ce n’est pas à moi de le définir [l’avenir de Simlane] J’espère que ces gens seront heureux à leur façon sur leur planète ». Ce qui est amusant, c’est de lire les réflexions des 3 autres. Irmgaal trouve ça lamentable et qu’un enfant de 5 ans ferait mieux (on est dans le registre de la performance). Ortzog trouve cela avant-gardiste (expérimental, donc hors norme) et Blimflim considère que cela engendrera des débiles .
Je ne pense pas que les auteurs aient pensé cette scène sous l’angle de la parentalité. Mais en la relisant, cela m’a sauté aux yeux et je voulais partager avec vous cette découverte
Intéressant!
Je suis assez dans l’idée de dire que ce n’est pas à moi de définir l’avenir de mon enfant.
Je ne sais pas si dans les faits j’arriverai à suivre cette idée et à ne pas tenter de controler les choses, mais mon image favorite est que nous essayons de les mettre sur la bonne voie, à eux de choisir s’ils y restent ou non.
Si les parents faisaient les choses bien, ca se saurait. On essaye juste de faire de notre mieux, et c’est déjà pas mal