Cela fait pratiquement un an que je me tâte pour raconter cette histoire. C’est en lisant les billets chez la Poule Pondeuse et chez Mère Bordel que le courage m’est venu de raconter « ma » fausse couche. L’expression peut paraître étrange, voire abusive de la part d’un homme, mais je ne pense pas qu’elle soit exagérée compte tenu de ma réaction, ou plutôt, de ma non-réaction.
C’était il y a 7-8 ans. Pendant le WE, ma femme, enceinte, a souffert de quelques désagréments qui se sont avérés être la conséquence de l’arrêt du développement de l’embryon qu’elle portait. Le gynéco m’a pris à part, après l’échographie, pour m’expliquer ce qu’il s’était passé. Il y a eu un problème dans la migration des chromosomes. C’est un événement rare, environ 1 cas sur 10 000 grossesses…
1 cas sur 10 000…
J’ai très rapidement décroché. Non pas que les explications étaient trop complexes (ayant fait 5 années de biologie à la fac, je voyais très bien ce que cela voulait dire), mais je suis resté bloqué sur cette statistique.
1 cas sur 10 000…
En y réfléchissant bien c’est pas si fréquent que cela, mais pas si rare non plus. Juste assez pour faire des blagues de mauvais goût : « Soyez tranquille les gars, c’est moi qui l’ai eu ». Je me suis accroché à ce chiffre pour passer à autre chose, encaisser le coup du destin en disant que c’est la faute à « pas de bol ». Je n’ai pas permis à cette peine de s’installer, à la jalousie de voir un autre que moi promener son enfant en poussette s’exprimer. Comme je ne savais pas quoi faire de ces sentiments, je les ai évacué très rapidement.
1 cas sur 10 000…
Je me suis remis à bosser, poussant jusqu’à tard l’extinction des feux. La chambre que nous avions destinée à notre enfant s’est transformée en bureau/débarras. Je crois qu’on ne savait pas trop quoi en faire. Et puis au bout de quelques semaines, j’ai définitivement tourné la page. Je me dis que j’ai dû pas mal souffrir de cette fausse couche pour rationaliser autant. Une amie psy m’a avoué dernièrement que je lui avais fait très peur, peur que je finisse par griller un fusible. Mais le fusible a tenu.
1 cas sur 10 000…
J’étais tellement concentré à vouloir passer à autre chose que je n’ai pas vu que ma femme n’a pas eu autant de facilité que moi à le faire. Je n’ai pas voulu voir que le risque de grossesse pseudo molaire n’était pas anodin. Je n’ai pas voulu voir que la machine a eu du mal à se remettre en route. Je n’ai pas su voir que l’obsession était en train de se mettre en place. En écrivant ces lignes, je m’en veux terriblement car je n’ai pas su être là pour elle, trop occupé à vouloir me protéger de ma peine. Et puis qu’aurais je pu lui dire ? Je me sentais tellement impuissant face à cette injustice. J’ai fais ce que j’ai pu pour ne pas rajouter ma peine à son chagrin. Il n’est pas garanti que cette « absence » fut préférable à des mots maladroits.
Ce n’est que 2-3 ans après que la vie a repris son cours avec l’arrivée d’une petite blondinette aux yeux bleus. Elle a su remettre les compteurs à zéro, lever la peine et la jalousie. Sa cadette a transformé l’essai et la benjamine qui arrive devrait en faire de même. Nous avons discuté de ces évènements avec ma femme, histoire de « solder » un éventuel contentieux.
Tout est bien qui finit bien, vous allez me dire. Reste que pour une grande partie de mon entourage, nous n’avons pas eu de problèmes pour avoir des enfants, ce qui est faux et injuste : ce n’est pas parce qu’on ne l’exprime pas qu’on ne souffre pas.
Ca ne m’a jamais rassurée les statistiques. Il y a bien des chanceux qui gagnent au loto alors que les chances sont bien moindres. Très joli texte en tout cas. C’est bon de passer de l’autre côté du miroir pour comprendre un peu plus finement qu’un simple « les hommes viennent de mars, les femmes de Jupiter ». Merci.
C’est mon métier les statistiques, ca faisait juste drôle d’être l’objet d’une stat (surtout quand on voit ce genre de stat). Une chose est sûre, c’est qu’on ne vit pas les choses comme vous. Pour autant, on vit les choses quand même… Différemment
PS c’est pas de vénus qu’elles viennent les femmes ?
Merci pour ce témoignage! Je réalise que je suis moi aussi tellement tournée sur ma peine que j’en oublie celle de mon mari. Et je pense qu’il oublie aussi la sienne, tant il est désemparé de ne pouvoir adoucir mon profond chagrin.
Il n’a été là à aucune des annonces de fausse couche (4). Il a vécu la dernière, puisqu’elle est arrivée cet été, que je lui ai commenté les résultats des prises de sang, que je lui ai dit que cette fois, après plusieurs jours de saignements qui m’ont mis KO, je pensais bien que c’était parti. Mais je lui ai dit tout ça avec tellement de froideur, le ton de l’habituée, qu’il n’a pas du me reconnaitre. J’ai peur qu’il pense perdre à la fois un bébé et sa femme…
il n’est jamais trop tard pour remettre un peu de chaleur en discutant
Bien souvent nous ne nous rendons pas compte du mal que nous faisons aux autres mais aussi a nous meme sans le vouloir. L’écriture peut parfois permettre d’exorciser ses peurs et aller de l’avant.
C’est un très beau texte
merci du compliment.
Dans ce genre de situation, on a déjà du mal à gérer sa peine. Ce n’est pas pour gérer celle des autres, aussi proches qu’ils puissent être
Merci pour le point de vue masculin, merci de me réconforter sur la réaction de mon homme, même si j’ai bien compris que sa réaction ( ou plutôt son absence de réaction) était une façade de protection et même si chez nous les statistiques n’avait rien à faire dans l’histoire, je n’ai compris que bien plus tard la posture de ma moitié, il a mis plusieurs semaines à mettre la main sur mon ventre quand ce fut la bonne, il amis plusieurs semaines ( écho des 12 semaines) pour en parler à ses collègues, mais le jour où il est devenu père il n’a mis qu’1 minute à aimer sa fille. Mon homme est incapable d’exprimer ses sentiments et ceux-ci de manière générale, mais je suis sure que si il pouvait le faire il n’y aurait pas beaucoup de différence avec ta façon de le faire 😉
Si cela peut te rassurer, je vais être père pour la 3e fois et je n’ai toujours pas envie de toucher le ventre de ma femme pour sentir l’enfant bouger
Merci pour ce témoignage. Mon mari m’avait accompagnée sans broncher, mais je ne me suis jamais demandé comment il prenait les choses. Il faudra peut-être que je lui demande un jour…
Ca pourrait être pas mal
Très beau texte ! J’ai moi-même vécu 2 fausses couches, et ce fut très dur pour nous 2, mon mari n’ayant pas du tout accepté la 1ère, et de ce fait, ne m’a pas du tout soutenu lors de la 2ème (elles se sont faites consécutivement, à 3 mois d’intervalle…), j’ai mis plus de 2 ans à m’en remettre, mon mari ayant complètement occulté la 2ème (un moyen de se protéger), mais nous sommes désormais des heureux parents d’un petit garçon qui fêtera très prochainement ses 1 an ! Bien à vous.
merci.
)
C’est pas simple de se positionner surtout sur un sujet qui ne nous chatouille pas les entrailles et que l’on ne voit pas.
L’objectif de ce billet était surtout d’expliquer que l’on peut vivre différemment l’événement.
C’est pareil pour la grossesse (c’est l’objet de mon prochain billet
Maman a fait une fausse couche quand j’avais 4 ans, je n’ai rien compris à ce qui se passait, juste que je n’aurai pas de petite soeur. Maman m’en a parlé bien plus tard, le pourquoi du comment et que parfois la nature fait bien les choses car notre bébé n’aurai pas été correctement formé et n’aurai jamais pu vivre normalement. Je n’ai jamais su comment l’avais vécu mon père et je ne le saurai jamais. J’ai juste constaté qu’il a aimé d’avantage mon petit frère (qui est né 2 ans plus tard) que mon grand frère et moi. Mais je ne lui en veux pas. C’est courageux de ta part de reconnaitre ton manque de réaction et la distance que tu as mis à ce moment entre toi et les autres. Bravo.
Je ne sais pas si ton père a vraiment aimé plus ton petit frère. Peut être a-t-il été plus démonstratif.
Mon père est celui qui a dit « je n’ai qu’un seul enfant, mon fils »… je crois que ça réponds à ta question, je crois. J’aurai aimé qu’il soit juste plus démonstratif.
ok, je n’ai plus d’argument :-
Quel beau témoignage…
J’ai fais une fausse couche à 3 mois de grossesse, …
J’essaye de relativiser aujourd’hui, même si c’est un réel deuil à faire. Et j’aurai aimé que mon mari exprime un peu plus sa souffrance. Je ne sais toujours pas aujourd’hui comment il a réellement véçu cette épreuve…
tu te poses la question de son ressenti, c’est déjà pas mal je trouve. Pose lui la question. S’il ne te répond pas, il saura, au moins que tu t’en soucies
merci pour cet article !
j’ai fait 3 fausses couches cette année, mon mari et moi nous sommes sur le point de rompre tellement un écart s’est creusé entre nous… ton article me donne beaucoup à reflechir…
Ce que tu me dis me touche beaucoup. Si mon temoignage peut t’aider, j’en suis heureux. Je suis a ton entiere disposition
Je n’ai jamais adhéré à l’argument : « La nature est bien faite. » Enfin zut ! C’est ELLE qui a fait que mon bébé n’était pas viable ! Si vraiment elle était bien faite, ces erreurs n’existeraient pas et les fausses couches non plus ! C’est quand j’ai compris ça que j’ai commencé à aller mieux ; car qu’est ce que je pouvais maudire tout ceux qui me disaient que cette p#*$ »* de nature était bien faite, moi qui avais perdu mon bébé …
J’ai aussi beaucoup maudit ceux qui me disaient que c’était plus facile à 3 mois de grossesse qu’à 6 ou 8 mois. Ah bon ? Parce que les parents qui perdent un enfants de 16 ans sont moins tristes que ceux qui perdent un enfants de 6 mois ? Vous vous voyez aller dire à une maman en deuil de son enfant « c’est mieux comme ça » ? Parce que c’est exactement ce que l’on ose dire à une ex-future maman en deuil de son ex-futur bébé.
C’est toujours tres difficile de trouver les mots quand quelqu’un souffre. Souvent les «condoléances» veulent dire «je n’aimerais pas etre a ta place».
Quant a la nature, il y aurait bcp dire
A l’attention de « 3fc »,
nous avons vécu 5 fc avant d’apprendre que nous ne pourrions avoir d’enfants biologiques, le tout sans aucun accompagnement d’aucune sorte (nous nous sommes même fait enguirlandé en arrivant dans un hôpital un soir ‘parce que les gens y savent pas qu’il n’y a pas d’urgence gynéco ici merde’ ben non on ne savait pas, nous venions d’arriver dans la région…).
Nous nous sommes chacun replié sur notre chagrin, mon bel amour choissisant de ne pas en parler « parce que cela fait trop mal. »
Finalement, nous sommes allés chez le généraliste lui demander s’il ne savait pas où il était possible d’aller en parler à 2. Nous avons pu voir une psy, deux rendez-vous nous ont permis de renouer le dialogue.
Aujourd’hui, nous n’avons pas d’enfants, nous en souffrons énormément mais nous sommes deux…
Et puis pour ‘mauvais père’ (quand même…) merci de ce témoignage, merci pour nous tous, merci pour l’homme qui se trouve bien seul, AUSSI, dans ce chemin.
Et à ‘bientôt 3 ans…’ comme toi, j’ai souffert de ces négations de nos bébés tellement présents dans nos vies, dans notre coeur et notre tête.
Que faire ?
Merci…merci,
Je suis enfin arriver sur un blog qui parle, par la voie d’un homme.
Je suis moi même dans une situation similaire, nous sommes en train de vivre notre 4 ème FC. Je dit bien notre, autant je peux être particulièrement détaché à certain moment, en particulier quand je suis avec ma femme, sans doute pour la préserver de ma souffrance et alléger la siènne, autant je me prend des baffes violentes tout au long de la journée, sans parvenir à penser à autre chose, et je ne suis pourtant qu’un bis repetitas ex-père.
Les mots que tu poses sur cette pages sont salutaires, pour moi. Enfin je ne suis pas seul, et on me comprend, puis je enfin dire en lisant tes mots.
Je me souhaite que la suite de l’histoire soit aussi belle.
Heureux que cela t’apporte quelque chose.
N’oublie pas quand même de « montrer » a ta femme que cela te fait quelque chose.
J’ai l’impression que c’est un des principaux reproches qu’on nous fait : de ne pas souffrir
Et pour le reste de l’histoire, j’ai 3 filles pleines de vie
Je viens de faire les frais de ces « stat ». J’aurais préférer être dans les stats du loto que cette stat douloureuse.
Je regarde mon 1er fils qui me fait plein de poutou. Et ça me renforce….Enfin, le contre coup n’est pas fini je penses
Il faut apprendre et passer rapidement à autre chose. Sinon on ne s’en sort pas