La vie est loin d’être un long fleuve tranquille. Pour ceux et celle qui me suivent sur twitter, c’est loin d’être une nouvelle. J’ai repris un emploi. Cela m’est un peu tombé dessus par hasard, au détour d’un mail envoyé par une amie m’expliquant qu’un poste était ouvert chez elle et qu’il « était pour moi ». J’ai regardé le contenu de l’annonce et il correspondait effectivement à mon expérience. Je me suis dis que l’aventure se tentait car il s’agit d’un CDD qui se goupille plutôt pas mal avec le congé maternité de Madame. Problème, le poste est à Paris et ça me fait 4h de transport par jour (avec un levé à 5.00 qui pique un peu les yeux)
Comme j’avais quelques missions sous le coude, je n’avais pas trop la pression pour ce poste et c’est en touriste que je suis allé à l’entretien (enfin, pas trop quand même). Une fois sur place, j’avais l’impression bizarre que tout était déjà joué et que la personne en face de moi était plus intéressée par ma date d’arrivée que par la pertinence de mon profil (mon amie n’a pas fait que me transmettre l’annonce apparemment). Ce qui a définitivement fini de me convaincre, c’est l’extrême flexibilité que me proposait mon patron. En gros, j’arrive quand je veux, je pars quand je veux, deux jours de télétravail par semaine… Du moment que le boulot soit fait, le rêve !
L’occasion était belle, trop belle même. Tellement belle qu’un sentiment sournois de culpabilité s’est mis à m’envahir. A peine ma troisième fille venue au monde, me voici en train de fuir le foyer pour m’amuser professionnellement sur Paris. Finies les sorties scolaires, l’extrême disponibilité pour mes filles, l’organisation de mon temps comme je le souhaite. Bonjour le rôle respectable de cadre dans une grosse boite, laissant ma femme s’occuper de gérer les filles et les courses, le temps de son congé maternité. Même si je rentre à 18h chez moi pour m’occuper des filles, leur donner le bain, faire à dîner et discuter avec ma femme, j’ai quand même l’impression de m’offrir d’une petite parenthèse d’égoïsme de 6 mois, d’abandonner mes Filles.
Pour bien enfoncer le couteau dans la plaie, ma cadette m’a fait des scènes tous le mois de janvier à grand coup de « Je veux pas que tu partes » ou bien « Mon papa adoré, je t’aime et je veux rester pour toujours avec toi » (on en reparlera à l’adolescence). Pour l’aînée, ce n’est guère mieux : quand on lui demande ce que fait sa mère, elle répond « Médecin à l’hôpital », quand on lui demande ce que je fais « il va sur Paris ». Heureusement que la benjamine ne parle pas encore :-). Cela dit elle a eu le bon goût de faire ses nuits très vite.
Malgré tout le piquant de cette expérience, j’ai l’impression d’être un peu étranger aussi bien au monde du travail qu’à la maison. Au travail, on me regarde un peu avec des yeux ronds quand je dis que je suis parent élu à mon école, que je peste contre la réforme des rythmes scolaires. Et je ne vous parle même pas quand une collègue est venue me voir avec le numéro de janvier de Marie Claire dans lequel il y avait ma photo (je ne vous dis même pas comment j’ai dû esquiver les explications sur ma présence dans cette revue :-p). Comme si on ne s’attendait pas qu’un homme puisse s’intéresser à ce genre de chose.
Côté perso, ce n’est pas aussi évident que cela. J’ai quand même l’impression d’être un « traître à la cause ». Quand je prends le café le matin avec les amis après avoir déposé les filles à l’école, je traîne moins (pas trop le temps quand même) et les débats sur les congés maladies à répétition de la maîtresse me passionnent moins. Après avoir été très présent, me voici très absent. J’ai presque l’impression d’avoir à me justifier d’avoir pris cette mission. Heureusement que j’ai le soutien de Madame qui me prouve au passage qu’elle est bien une femme extraordinaire. On s’était installé dans une petite routine où j’avais arrêté de bosser pour lui permettre se consacrer totalement à son boulot. Ma reprise, c’est sûr, c’est moins de « confort » pour elle et que je sens bien que parfois, mon inactivité l’arrangerait. Faut dire qu’elle n’en peut plus de son congé maternité. On attaque le 6ème mois et je la sens un peu fébrile. Heureusement qu’elle reprend à la fin du mois, ça commence à ne plus être vivable :-). Ça ne fera que bouleverser notre organisation actuelle. Ce n’est pas comme si nous avions l’habitude. Nous ferons comme nous faisons d’habitude, nous nous mettrons autour de la table et nous discuterons du « qui fait quoi ». Ca va être un peu tendu, mais je ne doute pas que nous y arrivions.
Petit à petit, le Père au Foyer se transforme en Working Dad. Working ok, mais Dad avant tout (faut pas déconner non plus)
Où comment faire cohabiter 2 mondes parallèles… chez moi ça donne :
– Au boulot : « vendredi on démarre à 8h! » sans préavis. Ah euh je viens avec ma môme alors?
– A la crèche : « on organise une petite réunion avec les parents à 17h jeudi, vous serez là n’est-ce-pas? »
Je trouve ça bien que vous vous relanciez durant quelques mois dans le monde du travail. Même si vous aimez vos filles, et que vous vous reprochez de ne plus passer autant de temps avec elles, n’oubliez pas que ce n’est pas définitif. Et elles seront encore plus contentes de vous avoir à leur côté lorsque votre cdd sera terminé. Et bravo à madame et vous de savoir gérer les choses de manières posées.
Pas sur que ça ne se prolonge pas