Parmi tous les pères que je croise sur twitter, il y en a deux qui sont assez importants dans ma vie numérique. Je veux parler de Till The Cat et Mercredi-C-Papa. A eux deux, ils représentent très bien ce que sont les problèmes des hommes dans leur recherche d’équilibre pro / perso. Chacun porte dans son témoignage un aspect des préjugés que traînent les hommes qui veulent être plus présents dans leur vie familiale.
Till est ce que l’on appelle communément un PAF, un Père Au Foyer. Il consacre l’intégralité de son temps à ses filles, démontrant par l’exemple qu’un homme est capable de s’occuper d’enfants. Son blog est émaillé d’exemples montrant qu’un homme qui s’occupe d’enfants, c’est bizarre pour plein de monde (hommes comme femmes). En plus d’être sympa, il est pas très loin de chez moi et on a eu l’occasion de se boire des cafés ensemble. Même si mon expérience de PAF est moins longue que la sienne, je me suis rendu compte que nous avions les mêmes problèmes « d’intégration ». On ne nous jette pas de cailloux, bien sûr, mais les soupçons d’incompétences ou de moindre compétences sont légions. A force, ça lasse.
De l’autre côté, on trouve Antoine qui préside l’association Mercredi-C-Papa qui milite pour que les hommes en entreprise aient aussi le droit d’être père. Ça parait évident, mais dans les faits, cela ne l’est pas tant que ça. J’ai lu un article sur une étude montrant qu’un salarié mettant en avant sa paternité perdrait en crédibilité professionnelle. Pour être revenu il y a peu dans le monde du travail, il est vrai que l’on peut paraître assez rapidement pour un martien à côté de la machine à café.
Un homme qui veut s’investir à la maison devient rapidement un étranger dans les deux mondes (pro et perso). On se retrouve un peu dans une situation en miroir de celle des femmes que l’on taxe d’être de mauvaises mères quand elles s’éloignent de leur foyer et qui doivent montrer patte blanche lorsqu’elles veulent gravir les échelons professionnels. Et la faute à qui me direz vous ? La faute aux préjugés.
Dans l’absolu je n’ai rien contre les préjugés. Dans d’autres situations, on pourrait parler de « grille de lecture », de « logiciel », de « prisme »… Ce sont l’ensemble des croyances qui nous permettent de décoder notre environnement. Ce sont des raccourcis cognitifs qui nous permettent d’éviter d’être submergé par la complexité du monde qui nous entoure et sans qui nous finirions par yoyoter de la cafetière. Le préjugé n’est pas grave. En revanche, l’absence de vue critique l’est beaucoup plus.
Ce n’est une surprise pour personne si je dis que notre société est organisée sur le mode : les hommes au travail et les femmes à la maison. C’était l’ordre « naturel » des choses. Les aspirations évoluent, mais les moeurs restent. Quiconque s’écarte de ce modèle traditionnel va être jugé de mauvaise mère, de salarié peu impliqués, de pervers… C’est un peu comme si l’on avait hérité d’un jeu de Monopoly et que l’on veuille jouer au Trivial Pursuit. On aura beau essayer de s’adapter, y aura toujours quelque chose qui ne va pas et au final, on fait une partie de Monopoly.
Tant qu’on n’aura pas traiter ce problème de « logiciel », l’égalité homme-femme n’avancera pas. Et ce n’est pas en signant des pétitions ou en faisant des happening que les « consciences s’éveilleront ». Même si le battage médiatique permet à un certain nombre de gens de se rendre compte, est ce que cela leur montrera une voie à suivre ? Oui, les hommes sont peu impliqués à la maison ! Comment faire pour que cela change ? Selon la ministre au droit des femmes (et non celle de la famille…), c’est en forçant les pères à prendre leur congés parental ce qui est, à mes yeux, fondamentalement idiot. Si l’on réserve 6 mois du congés parental aux pères, il y a de fortes chances que cela se traduise par une perte de ces 6 mois pour la famille (la mère). D’autant que, d’après l’article des échos, le gouvernement estime que cela générerait une économie de 200 millions d’euros par an. Jolie façon de faire des économies sur les dépenses de la Sécu sous couvert d’égalité homme-femme. Tant qu’on ne traitera pas les freins sociologiques, la loi ne changera rien. Le problème, c’est que c’est long, peu médiatique et compliqué. Une opération du genre Happy Men me semble plus pertinente pour faire changer les mentalités. Le développement des locations de berceaux en crèche par les entreprises ou celui du télétravail également.
En étant homme à la maison et père en entreprise, Till et Antoine montre ce chemin. Et moi, pauvre blogueur, j’emprunte de temps à autre leur sillon, quelque part entre la maison et le boulot.
Merci à vous deux et bonnes fêtes des pères.
Hello ! Coïncidence (rien à voir avec la fête des pères), j’ai aussi écrit un billet sur le double standard appliqué aux pères et aux mères pour apprécier leur implication dans l’éducation des enfants : pour une même activité, le père sera plus valorisé que la mère, comme s’il avait fourni un effort incroyable. La mère n’en fait jamais assez par contre ;). Papa modèle, mère indigne
Je suis d’accord avec vous pour le congé de paternité. Il faut un changement de mentalités avant d’obliger les pères à prendre des congés de paternité longs. Sinon, beaucoup en profiteront pour voyager, sortir, avoir des loisirs, mais pas forcément pour s’impliquer plus à la maison. Cela n’apporterait rien à leurs compagnes.
je viens de lire votre billet. C’est purement théorique, on voit relativement peu de pères en maternelle
Blague à part, d’expérience, la maîtresse n’est pas forcément très réceptive à la présence d’un père
Et oui, nous vivons dans une société où l’Homme (avec un grand H) est défini par son statut professionnel. Le traditionnel « Nom, prénom, âge, profession » est omniprésent, état civil, médias etc
Je trouve intéressant que tu soulignes qu’un père qui parle de sa vie familiale passe souvent pour un salarié moins impliqué. Comme si les 2 vies (perso et pro) ne pouvaient co-exister.
A mon sens, l’avenir de notre société passe par une meilleure reconnaissance des 2 aspects de nos vies, pour qu’ils ne deviennent plus qu’un, sans souffrance, comme source d’épanouissement…
Je t’invite à lire l’article précédent http://wp.me/p1Su3x-7P
Tu parles du traditionnel « Nom, prénom, âge, profession », mais est il pire que le ASV que l’on trouve sur Internet ? (Age Sexe Ville) ?
Je crois qu’on a déjà eu cette discussion sur twitter, je ne partage pas complètement ta comparaison avec le monopoly (quoique l’analyse de ma façon d’y jouer m’apprendrait peut être beaucoup sur mes inadaptations sociales, bref.): les préjugés sont en grande partie implicites, même si pas complètement inconscients. Ca les rend à la fois moins immuables et plus fourbes que les règles du Monopoly. Sur le fond par contre, je suis d’accord avec toi, même si je n’ai pas le début de commencement d’une idée pour faire évoluer ses préjugés à l’échelle sociétale (ton lien vers Happy Men ne marche pas).
La réforme du congé parental m’agace profondément pour un tas de raisons:
– elle repose sur la politique de l’imposition du résultat (néologisme déjanté) en laissant au « milieu » la responsabilité de s’y adapter, pas besoin de chercher bien loin qui va trinquer. Dans ce cadre, l’efficacité est un leurre (on ne résout pas la pauvreté en l’interdisant).
– elle repose sur une nième tentative d’accommodation à la mode française du ragoût nordique tant réputé. Sauf que le poulet, ça n’a pas le même goût que le renne.
– Comme nombre des réformes dans le domaine de la petite enfance et de l’éducation, la coïncidence malheureuse (pour nous) avec de substantielles économies que tu as pointée achève de décrédibiliser le tout.
Tiens, je te pique le lien vers le site de la CAF pour les VI (d’ailleurs si ça te dit de développer, c’est toujours avec plaisir).
Oui les préjugés sont implicites, mais ça ne nous empêche pas d’avoir la possibilité d’exercer un regard critique.
Pour faire évoluer les représentations, je te conseille de lire le travail de Serge Moscovici (le père de) sur les Représentations Sociales.
Sur la réforme, il y a pleins de sujets qui sont énervants :
– Sans accompagnement, les hommes ne prendront pas plus de congés
– Quel besoin de mettre un volet sur les violences faites aux femmes dans un projet de loi sur l’égalité ?
– C’est une réforme qui vise à faire des économies pas a faire évoluer les moeurs
J’ai déjà développé le sujet dans une étude. Mais je la vend et elle est chère
(tape etude entreprise creche france sur google)
(le lien est corrigé)
Oui, effectivement. On n’a pas encore les moyens de se payer un consultant^^
Ravie en tout cas de constater que tu arrives (entre autres) à professionnaliser tes réflexions sur la paternité. J’en suis loin.
Disons plutot que c’est cette étude qui m’a amené à m’intéresser à la parentalité
Et moi qui pensait que c’était par vocation! Tu es donc un converti! 😉
Qu’importe d’où je viens. L’important est d’où je vais, non ? 😉
C’était une taquinerie
Et sinon le but importe moins que le chemin parcouru non?
Y a débat. parcourir un chemin sans but n’est que vagabondage
Je ne sais pas trop… je me sens en errance mais pas en vagabondage.
Amen