Je vais vous faire une confidence. J’ai changé les couches de mes 3 filles, j’ai nettoyé leur vomi, fait des DRP, fait des lessives… Et bien j’ai détesté ça. Un peu comme tout le monde (de mentalement sain je veux dire 😉 ). Femmes comprises. Mais je l’ai fait. Parce qu’il fallait le faire (comme quoi, je ne suis pas un si mauvais père que ça).
Mon kiff, c’est de m’occuper de mes filles, de les voir grandir, de leur donner tous les moyens pour qu’elles soient épanouies maintenant et plus tard. Il y a 3 ans, j’ai décidé de poser ma démission pour suivre ma femme dans son nouveau boulot et je me suis occupé de mes 2 filles pendant 2 ans (je suis même allé jusqu’à m’occuper du stand de chamboul’tout à la kermesse, c’est dire…).
Je n’ai pas pris de congé parental car je ne voulais pas me séparer trop du monde du travail, pour pouvoir y revenir pas trop difficilement (et cela n’a pas trop mal marché, ma foi). J’ai adoré m’occuper d’elles, cependant, j’ai fait ce choix pour que ma femme s’épanouisse professionnellement, parce que c’est quelqu’un de brillant et que son double chromosome X ne lui donnait pas moins de chance que moi de s’éclater au boulot. Et c’est bien d’égalité des chances dont je voudrais parler. Car, faut il le rappeler, le projet de réforme du congé parental est inclus dans un projet de loi d’égalité homme/femme porté par la ministre des droits des femmes et pas de la ministre de la famille.
Forcément, qui dit projet de loi, dit critiques de l’opposition et (trop) souvent dit polémiques (forcément douteuses dans un monde qui pense en 140 caractères). Là, c’est Valérie Pécresse qui s’y colle. Dans une interview dans le journal des femmes, Mme Pécresse déclare
« Pensez-vous que le plus grand nombre sont les pères qui ont envie de changer des couches ? »
Je précise qu’elle explique que le congé parental ne concerne pas toutes les familles (allez voir l’article pour vous faire une idée du contexte)
Et là, c’est le drame. La presse relaie massivement que son message était :
« Les pères n’ont pas « envie de changer des couches »
Bouhh la vilaine réac !
Elle veut renvoyer la femme à la maison dit donc. Les hommes ont mieux à faire que de torcher des mômes (qui ne sont peut être même pas d’eux, allez savoir). J’ai même lu des parallèles avec Eric Zemmour (ce qui pourrait caractériser une espèce du point Godwin revisité). Je suis peut être atteint d’Umpite aiguë, mais j’ai du mal à lire la même chose dans cette article de plus de 1 500 mots dont l’idée forte est de permettre de prendre son congé parental au delà des 3 ans de l’enfant avec la possibilité de fractionner (L’idée ne me semble pas bête à priori. A savoir si elle est efficace, j’ai pas d’avis.)
Si on veut être fair play, il faudrait interpréter également les propos et actions du côté gouvernement. On pourrait relevé le contenu même du projet de loi du gouvernement. Un projet de loi pour l’égalité H/F où l’on trouve des articles pour éviter les impayés de pensions alimentaires (salop de père pingre) et un article autour de la violence faite aux femmes (par ces vilains messieurs). Que dirait on d’un gouvernement qui considère le quotient familial comme une niche fiscale ? Qui fait une réforme qui lui permettra de faire des millions d’euros d’économies ?
Et si on arrêtait de faire des procès d’intention ? D’un côté comme de l’autre ? Si on parlait du fond ?
Je doute que Najat Vallaud-Belkacem signifie un profond mépris envers les hommes par le biais de son projet de loi. Ca ne l’empêche pas de proposer une loi qui aura surtout comme conséquence de diminuer la facture pour la CAF sans pour autant faire avancer l’égalité H/F. Considérer que l’égalité H/F se joue avant les 3 ans de l’enfant me semble un peu absurde. On est sur un problème plus large que la simple parentalité (sinon, seules les femmes avec enfants aurait une décôte sur leur salaire, ce qui n’est pas le cas).
De l’autre côté, sortir sur une phrase de son contexte et occulter tout le reste de l’interview de Valérie Pécresse me semble tout aussi contre-productif. S’il fallait critiquer l’interview, ce serait davantage sur le manque de courage politique car, au détour d’une phrase, elle maintien le statu quo qui veut que ce soit la femme qui s’arrête en cas de problème de garde. C’est justement à mes yeux le noeud du problème. Tant que la Société trouvera normal pour la mère et non pour le père de s’arrêter pour son enfant, on n’avancera pas (et si j’ai pas envie d’être la figure unique d’Autorité, c’est mon droit :-p)
Je n’aurais de cesse de le répéter, mais tant que l’homme n’aura pas trouvé sa place à la maison, la femme ne la trouvera pas plus au bureau. Et ce n’est pas en imposant aux pères 6 mois de congé parental (qu’il risque de ne pas prendre) qu’il va devenir un père plus présent tout le long de la vie de (ou des) l’enfant. Considérer que l’enfant n’a besoin de la présence d’un parent qu’avant ses 3 ans me semble un peu absurde. Preuve en est que ce sont les femmes qui prennent un temps partiel après les 3 ans de l’enfant. Ce sont les femmes qui ont un malus de salaire, même après les 3 ans de l’enfants (et même quand elles n’ont pas d’enfants). Concentrer ses efforts sur la période de la petite enfance me parait plutôt gadget. En tout cas, parfaitement insuffisant.
Qui peut me dire quelle est la part de congé parental subi faute de place d’accueil (crèche ou ass mat) ? j’ai souvenir d’une étude de la CAF qui montrait que 25% des foyers (femmes ?) voulaient garder leur enfant mais qu’ils/elles étaient 50% a le faire effectivement. N’y a-t-il pas du congé parental par défaut ? (si j’ai le temps, je retrouverais les références de l’études). Peut être que la parentalité pèserait moins sur les épaules des femmes si les places d’accueil étaient mieux réparties.
Comment faire pour que le parents qui prend le congés de ne pas perdre le contact avec le monde du travail ? Un congés de 2,5 ou 3 ans, ça impacte l’évolution de la carrière (pour l’homme comme pour la femme). Personnellement, j’ai été autoentrepreneur, ça m’a permis de m’organiser au mieux entre les filles et les missions.
Comment faire pour que l’entreprise accepte que l’homme puisse partir à 17h pour prendre ses gamins à la crèche, qu’il puisse ne pas venir pour cause d’enfant malade ?
C’est un travail de longue haleine qui commence au sein même du foyer. Mais ca, ca ne tient pas en 140 cc
[Edit] Ma principale critique vis à vis de ce projet de loi, c’est de nier l’existence d’un frein sociologique. Si les hommes ne prennent pas leur congé parental, c’est qu’ils ont peur pour leur carrière (à raison), parce qu’ils pensent que ce n’est pas à eux de le prendre (à tord), etc etc.
La contrainte qu’impose cette réforme donnera surement l’impression de faire bouger les choses mais tant qu’elle ne comprendra pas un volet accompagnement (au sein du couple, en entreprise…), elle restera à mes yeux une formidable occasion manquée de faire avancer la parentalité en France et un bon moyen de faire des économies d’une CAF que l’on souhaite réformer par ailleurs
Tu connais mon point de vue. Les dérapages verbaux ont du sens dans une société de communication comme la nôtre. Et les politiques le savent, eux qui aiment pratiquer l’art de la punchline de 30 secondes, qui sera reprise au journal télévisé.
Problème : au delà des arguments que Valérie Pécresse souhaite faire passer, sa contribution d’hier a surtout jeté le doute sur les (véritables) valeurs sous-jacentes sur lesquelles elle appuie sa pensée. Et ça sent bon les années 20 !
Mais je te rejoins sur un point. Trop centré sur la forme, le débat politique perds en fond. Dommage, mais ce n’est pas nouveau.
On fait une mauvaise polémique pour décrédibiliser une proposition alternative (pour laquelle je n’ai aucun avis). l’indignation générale n’a rien de spontanée. C’est la polémique qui jette le doute, pas les propos !
Pour qu’il y ait polémique, il faut d’abord que quelqu’un diffuse des propos sujets à polémique… sinon, ça ne marche pas ! 😉
donne moi n’importe quel interview, je t’en fais une polémique.
Une chose est sur il faut augmenter l’offre des places en crèche ainsi que pour les ass mat. Pas seulement en terme de place mais d’élargissement d’horaire car 7h30 18h30 pour les crèches en région parisienne cela fait trop juste par exemple. On offrirait le choix aux pères et mères de prendre leur congé parental et non un choix par défaut.Cela serait peut être mieux vécue. Moi je travaille de nuit pour éviter les problèmes d’horaire.
La question des places en crèche est traitée en parallèle par D. Bertinotti qui vient de faire approuver son projet par la CAF. J’ai pas encore lu le COG
Effectivement je viens de lire en résumé son projet de places en crèches. Cela semble fort interessant mais aux détriments de quoi? Augmentons rapidement dans les régions les + défavorablement dotés.
j’ai pas encore lu ca.
c’est l’objet d’un futur billet
Voilà le lien
http://m.lesechos.fr/france/dominique-bertinotti-je-plaide-pour-que-le-budget-des-places-en-creche-progresse-d-au-moins-7-5-par-an-0202567453230.htm
c’est old ca
Je partage votre point de vue qu’il faut un travail de fond sur les mentalités, et la route sera looongue! mais indispensable à emprunter. L’action que la ministre engage sur la lutte contre les stéréotypes à l’école me parait particulièrement pertinente. Faut-il qu’en même se priver d’essayer d’aller plus vite que la musique? Je n’ai moi non plus aucun avis sur ce projet de loi… pour l’instant!
c’est toujours bien de mettre une réforme pour la postérité
Merci d’essayer d’équilibrer le débat. J’ai bien lu l’interview complète, mais je persiste à penser que Valérie Pécresse a faux sur la forme ET sur le fond.
Sa suggestion de créer un second congé parental au delà des trois ans est intéressante, même si elle l’oubliera probablement si elle revient au pouvoir.
Mais pourquoi le « genrer » ? Car son discours est clair : le congé actuel de trois ans à la mère pour changer les couches, et plus tard un congé de six mois pour le père si il y a un pb « un peu plus compliqué ».
Donc déjà le congé pour le papa, c’est plus court, parce qu’il faut laisser la priorité aux besoins des entreprises (qui peuvent se passer des femmes pendant 3 ans par contre). Et seulement pour résoudre des problèmes (que les psy expliqueront être la faute à la maman qui s’est mal comporté avant), et pas parce que simplement un homme peut avoir envie de s’occuper de ses enfants quand tout va bien…
Et ces congés sont de nature complètement différents, ne serait se que parce que malade, dépressif ou drogué, un ado est quand même plus indépendant qu’un bébé. Il peut avoir besoin de présence parentale mais pas en permanence, je me dis (sans avoir encore expérimenté moi-même) qu’il a même besoin de se retrouver seul de temps en temps. A t’on besoin d’un congé à plein temps ou plutôt d’un temps partiel choisi et provisoire ?
Si je m’autorise une caricature : trois ans à changer les couches, scotchée 24h/24 avec le gosse pour madame, contre six mois potentiel à jouer à la playstation en attendant que l’ado bougon sorte de l’école pour exercer sa « figure d’autorité » pour monsieur…
Je n’arrive toujours pas à comprendre Valérie Pécresse.
Merci du soutien
je n’ai pas compris qu’elle voulait créer un autre CP au delà des 3 ans mais de donner la possibilité de fractionner.
Effectivement, sur la forme, c’est plutôt un report du congé actuel qu’elle propose. Mais ça reste une suggestion de l’opposition 4 ans avant une potentielle alternance
Sur le fond, c’est bien un nouveau type de congé non ?
non, c’est un conges actuel fractionnable. JE crois que c’était une proposition du candidat sarkozy de mémoire
Exact. « Mauvais » père mais bonne mémoire !
Après avoir proposé de le raccourcir :
http://www.liberation.fr/societe/0101319279-sarkozy-annonce-une-loi-sur-le-statut-de-beau-parent
Sarko pensait le fractionner :
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/15/nicolas-sarkozy-propose-un-conge-parental-utilisable-jusqu-aux-18-ans-de-l-enfant_1670260_1471069.html
j’essaye de bosser mes dossiers un minimum
Et oui, les pères ont raisons d’avoir peur … mon mari (qui part à 17h et a pourtant fait son « quota » d’heures), est à 90% et est en effet mis de côté depuis la naissance de notre fils (et son 90% !) … pas d’augment, aucune considération …
Pour ma part, même à 80% depuis ma reprise (6 mois de CP pourtant) j’ai été augmentée comme il se « doit » à hauteur de mes compétences.
nb : on fait le même boulot avec mon mari – même niveau d’étude !
Alors oui, cette réforme est très mal menée et aucune concertation ni écoute !
D’autres choses auraient été à proposées pour permettre une meilleure égalité !
je t’invite a regarder l’initiative http://www.happymen.fr de l’association mercredi c’est papa
Ce qu’on oublie aussi de dire c’est que les gens sont pragmatiques et logiques, en général. Celui qui prend le congés parental, c’est surtout celui qui gagne le moins des deux au sein du couple, pour avoir le moins de baisse de niveau de vie. Alors comme bien souvent à niveau d’études et job équivalent les femmes gagnent moins, c’est logique que le choix des couples se portent sur le fait que ce soit la femme qui prennent le congés parental.
Je pense que c’est la première raison avant toutes les autres. Ensuite le fait pour un homme d’être mal vu entre en jeu, évidemment, mais ça n’est pas à mon avis la raison première.
Certes, mais comme les femmes gagnent moins parce qu’il y a une « décote enfant » parce que ce sont elles qui s’arrêtent parce qu’elles gagnent moins parce qu’elles ont une décote enfant….
Soit on se complait dans la situation, soit on essaye de bouger.
Sauf si on souhaite administrer toute l’économie française, je ne vois pas comment faire sans travail de fond
Un bel effort de consensus et de voir au delà, bravo ! A très vite par ici…
merci 😉
Tu écris : « Comment faire pour que le parents qui prend le congés de ne pas perdre le contact avec le monde du travail ? Un congés de 2,5 ou 3 ans, ça impacte l’évolution de la carrière »
Le congé parental protège l’emploi du parent : son employeur le réintégrera à l’issue du congé (certes le licenciement reste possible). Néanmoins, comme illustré chez Papacube : http://www.papacube.com/2013/01/le-merveilleux-projet-de-loi-sur-le.html
le 3e anniversaire peut se passer un bon paquet de mois avant la scolarisation. Que font alors les parents concernés ?
[dixit une qui a impacté sa carrière avec 3 mois de congé de solidarité familiale…]
Le poste est préservé, mais la progression de carrière est cassée. Plus tu t’éloignes plus tu es professionnellement has been